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La dette publique : un instrument de pouvoir dans les relations internationales

La dette publique, qu’il s’agisse de son niveau, des modalités de sa gestion ou du besoin de sa réduction,  fait  désormais  partie  intégrante  du  débat  national  et  international.  La crise financière de 2008 ayant déclenché des épisodes de crise souveraine et un renforcement de des débats autour de l’austérité budgétaire, l’intérêt pour ces thèmes s’en est trouvé relancé. Dans  un  contexte  où  la  dette  publique  continue  à  faire  l’actualité internationale, il  est important de resituer le débat ainsi que les enjeux liés à cette thématique d’un point de vue scientifique.
 
Ce projet s’insère dans les activités de l’axe « Monnaie et Finance » financé par la MSH Val de Loire et animé par le CeTHiS (Université de Tours), le LEO et l’IRAMAT (Université d’Orléans). Il contribue en particulier à élargir les thématiques analysées jusqu’ici dans le cadre de l’axe en s’appuyant sur un noyau interdisciplinaire de spécialistes, historiens et économistes, qui dans le cadre de leurs recherches personnelles, se sont concentrés sur les problèmes et les enjeux de la dette publique.
 
En effet, l’endettement de l’État a joué un rôle très important dans l’histoire, et pas seulement au XXe siècle. Historiquement, comme le souligne l’historien Georges-Henri Soutou dans une récente contribution, la banqueroute d’État était davantage la règle que l’exception : « les deux derniers siècles ont connu environ 320 banqueroutes d’État, y compris de la part de pays comme l’Angleterre ou l’Allemagne ; en France la dernière en date fut celle que proclama le Directoire en 1797. »
 
Les études historiques ont insisté sur l’importance de la guerre comme facteur d’accélération d’un endettement progressif des États. Le dernier ouvrage de David Graeber (Paris, 2013) se focalisant sur les aspects moraux de la dette souligne en particulier le rôle de la violence dans l’imposition d’une dette dans l’histoire humaine. Toutefois Graeber traite de la dette en tant qu’anthropologue : il prend en considération la dette stipulée par tout individu, société ou collectivité, et n’approfondit pas par exemple les aspects liés à l’emprunt.
 
Ce projet de recherche s’appuie sur les études menées jusqu’ici, notamment par des historiens économistes qui ont analysé certains moments clés de l’histoire de la dette, par exemple quand elle est à l’origine de crises d’importance mondiale. Le projet repose toutefois sur une perspective différente. Tout d’abord, il se concentrera sur la dette publique, c’est-à-dire sur une dette qui n’est pas contractée à titre personnel soit-elle un prince ou roi, mais par la collectivité dans son ensemble, que ce soit une cité ou un État. Si la dette publique en tant que telle n’existe pas, comme cela semble être le cas pour certaines civilisations (cités grecques ou Empire romain), quelles autres solutions ont été adoptées ? De plus, ce projet vise à étudier si et dans quel cas la dette devient un instrument de pouvoir et dans quel sens cette relation de pouvoir s’exerce. De ce point de vue les études se sont surtout concentrées sur les dettes contractées par les pays en développement ou sur le cas tout à fait particulier des États-Unis.
 
Ce projet de recherche vise à établir des rapports de synergie avec d’autres institutions ou centres de recherche (Mission historique de la Banque de France, Institut de la gestion publique et du développement économique) travaillant sur des thématiques proches et à coopérer avec des chercheurs qui en France ou à l’étranger (notamment en Italie, en Belgique et en Grande-Bretagne) sont en train de travailler sur ces mêmes thèmes. Ce projet par ailleurs, profite de la coopération déjà bien rodée entre le CeTHiS, le LEO et l’IRAMAT ce qui permet de réunir une équipe d’historiens et d’économistes qui peuvent se confronter utilement sur ces sujets : par exemple le cas de la zone franc pourra à la fois être analysé par les économistes du LEO qui travaillent déjà sur cette thématique et par des historiens (dont le porteur du projet) en liaison avec le projet financé par la Banque de France sur l’histoire de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
 
Dans le cadre de ce projet seront particulièrement explorés les thèmes suivants :
- Quand et pourquoi, dans les relations internationales, devenir un État débiteur pose un problème ?
- Comment les États créditeurs ont utilisé la dette pour faire pression sur les États débiteurs, et pour quels objectifs ?
- Le rôle des organisations internationales dans la gestion des dettes (FMI, mais aussi Club de Paris)
- Quelle stratégie ont adopté les États débiteurs pour échapper à la pression de la dette publique ?
- Quel rôle différent joue la dette publique extérieure dans les pays en développement et pays industrialisés ?
 
Ce projet aura une première réalisation dans l’organisation d’un atelier, prévu en septembre 2015, ce qui permettra de faire un premier état des lieux sur les questions en jeu. Si l’essentiel des interventions portera sur la période comprise entre la fin du XIXe  siècle et le XXe siècle (la dette publique allemande lors du IIIe Reich, la zone franc, l’endettement des pays d’Amérique latine, le cas italien…) et verra la participation d’historiens et d’économistes, l’analyse pourra aussi explorer des thématiques remontant à des époques plus lointaines. Le premier atelier permettra d’identifier une série de problèmes et de questions, de constituer une équipe de chercheurs  français  et  étrangers  qui  ensuite  sera  mobilisée  pour  la  mise  à  point  d’une demande de financement à adresser à l’ANR. Un deuxième atelier, organisé à la rentrée 2016, permettra d’affiner les thématiques et les analyses les plus porteuses et d’élargir le cercle des spécialistes consultés. Les résultats les plus probants du premier atelier feront l’objet d’une publication dans une revue spécialisée ou en tant qu’ouvrage individuel.

►  projet MSH Val de Loire porté par : Guia Migani (CeTHiS-HiViS)