CorMéCoULi - Objectifs scientifiques

Les villes de Tours, Orléans et Amboise ont conservé des documents comptables médiévaux remarquables. Divisés en chapitres et en rubriques, ces registres présentent les mêmes postes de recettes et de dépenses. Ils sont rédigés dans la même langue (le français) et utilisent la même monnaie de compte (la livre tournois). La production de ces documents résulte de la volonté du roi de confier aux communautés urbaines le soin d'organiser leur propre défense et de répondre aux demandes des habitants en matière de voiries, de dépenses communes... En leur accordant la possibilité de percevoir et gérer les revenus d'une fiscalité déléguée, le roi, en contrepartie, exigeait la tenue de registres annuels et la conservation des pièces comptables justificatives, de façon à pouvoir exercer un contrôle sur la collecte et l’utilisation des deniers ainsi perçus. Ces documents, qui ont très tôt bénéficié de l’attention des édiles, sont bien conservés et de belle facture. Ils témoignent de l’autonomie des cités, confortée après la guerre de Cent Ans, de leurs relations singulières avec les princes de la famille des Valois (rois de France, ducs de Touraine, ducs d’Orléans). Bref, ils participent de l’identité des villes de la Loire dans cette ‘France des apanages’ qui servit d’appui, à la fin du Moyen Âge, aux monarques pour reconquérir leur royaume.

L’objectif de ce projet est :

• de créer un corpus numérique (open data) et de mettre ainsi à disposition d’un large public – communauté scientifique mais aussi simple citoyen – l’intégralité des ces pièces comptables (registres et pièces annexes, soit au total près de 30000 clichés) qui sont des documents médiévaux d’exception. Une telle entreprise est sans équivalent à l’échelle du territoire français actuel ;
• de constituer une base de données interrogeable qui facilitera la consultation de ces fonds et permettra d’envisager des exploitations de types variées, qui pourront aller de la simple identification de documents remarquables à l’étude des comptabilités urbaines ou à l’analyse de la vie quotidienne des populations en Centre-Val de Loire aux XIV^e et XV^e siècles (notamment la construction). Une indexation systématique des clichés sera réalisée, qui s’appuiera sur un thesaurus constitué ad hoc, et qui permettra d’alimenter la base de données et de l’interroger selon des critères liés aux mots du thesaurus. Les pièces annexes, actuellement cotées par lots dans les dépôts d’archive, seront analysées et référencées pour pouvoir être appelées au même titre que les folios des registres. On veillera en outre à l’inter-opérabilité entre le corpus numérique constitué et ceux proposés dans les différentes institutions d’archives partenaires du projet ;
• d’ouvrir la voie à une indexation collaborative qui permettra, au-delà de la durée du projet, de donner à ceux qui le voudront la possibilité d’enrichir le thesaurus initial, d’indexer des documents, et possiblement de transcrire certaines pièces (la transcription intégrale des 30000 clichés n’est bien sûr pas envisageable pendant la durée du projet) ;
• de valoriser le patrimoine archivistique de la fin du Moyen Âge et de contribuer à sa diffusion, notamment auprès des publics universitaires et lycéens. Il sera l’occasion de rendre visible une richesse documentaire exceptionnelle jusqu’alors éclipsée par d’autres patrimoines non urbains. Le projet se différencie d’autres entreprises soutenues par la région (ECRISA, RENUMAR, etc.) par la cohérence documentaire du fonds archivistique mobilisé, par le volume du corpus constitué et indexé, et par la dimension économique de la source, qui permet de réfléchir à l’interaction entre « état » et « collectivités urbaines » au moment où les mairies sont instituées ;
• de montrer l’unité ancienne d’un espace régional considéré à tort par certains comme peu cohérent. La tenue des registres, exigée par les Valois, révèle en effet l’adoption de pratiques comptables qui paraissent déjà matures au XIV^e siècle et la mise en œuvre de procédures que l’abondante documentation sérielle permet d’étudier en détail.