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Axes de recherche (2024-28)

Axe 1 - Villes et dynamiques urbaines. Du bâti à la fabrique de l’urbain


► piloté par Laurent Cuvelier et Manuel Royo

Le projet de l’axe 1 pour ce contrat s’inscrit dans la continuité des travaux du contrat précédent en proposant des inflexions et de nouveaux chantiers, tout en poursuivant le travail trans-période et pluridisciplinaire, en lien avec la MSH Val-de-Loire et dans le cadre de ses partenariats nationaux et internationaux.
Deux grandes approches complémentaires pour appréhender le fait urbain à partir des interactions entre espace et société, bâti et cité, territoire et population urbaine : la patrimonialisation des villes, le remploi et le renouvellement urbain ; une réflexion sur les dynamiques sociales et culturelles qui façonnent l’espace urbain.
 
  • Volet 1 – Ruines, patrimonialisation de l’espace et renouvellement urbain
Dans le contrat précédent, l’axe 1 prenait en compte, entre autres questions urbaines, celle des marqueurs de l’espace urbain. Une partie de cet axe se consacrera désormais à la patrimonialisation de l’espace urbanisé.

1.1.1. Réflexion sur la question des ruines en ville, de leur préservation à leur utilisation et à leur mise en valeur : « ruines vécues », en une approche volontairement pragmatique permettant aux historiens, archéologues, historiens de l'art et collègues d'autres champs disciplinaires (sociologues, géographes, politistes, urbanistes et architectes) d’intervenir.

1.1.2. Conserver ou de détruire les bâtiments du passé au sein de la ville. Par leur présence ou leur effacement, ces objets architecturaux participent d’un mouvement de patrimonialisation qui évolue historiquement depuis l’Antiquité. L’étude de ce phénomène concerne toutes les périodes, avec, pour l’Antiquité, les questions de transformation ou d’abandon d’espaces et de bâtiments ; pour le Moyen Âge, le remploi et le renouvellement urbain ; pour les époques modernes et contemporaines, les reconstructions et les mises en valeur. Il se joue là des questions d’identité dont témoigne l’évolution des regards portés aux époques modernes et contemporaines, par exemple dans les travaux d’architectes sur l’intégration des antiquités grecques et romaines dans les villes italiennes, des reconstructions d’éléments médiévaux (avec le tombeau de Saint Martin en 1860) ou encore dans les mobilisations contemporaines pour la sauvegarde de tel ou tel espace ou bâtiment, voire sur le plan archéologique pour les politiques de préservation et de sauvegarde.
S’interroger alors sur la « mémoire des quartiers », fait la transition avec le second volet de l’axe 1 qui porte sur les dynamiques sociales et culturelles. Il est clair que la « forme d’une ville » (pour citer Julien Gracq) reflète les dynamiques sociales qui la traversent et dont la patrimonialisation de ses espaces rend compte indirectement.
 
  • Volet 2 – Dynamiques sociales et culturelles
Prolongeant les travaux pluridisciplinaires et trans-périodes du contrat précédent, le projet se déclinera selon trois thématiques. L’inscription spatiale des groupes sociaux, d’abord, qui pose la double question de la gestion des ressources, notamment le logement, et celle du contact culturel, envisagé à partir de la pluralité langagière urbaine. L’espace étudié sera prioritairement celui de la France et de l’Europe méditerranéenne, sur des temporalités longues ou plus condensées.

1.2.1. L’inscription spatiale des groupes sociaux. L’histoire sociale, approche privilégiée de la ville au sein des travaux de l’équipe, vise à croiser mobilités sociales et mobilités spatiales, à l’échelle de la ville, du territoire ou d’espaces transnationaux, mobilisant approche prosopographique, analyse de réseaux et micro-étude. La formation et l’action de groupes particuliers permettent de formuler une série de questions : quelle est l’influence de ces groupes sur la formation de l’espace urbain ? Comment envisager les mécanismes de mobilité sociale et géographique ? Comment saisir le lien entre ascension sociale et expansion spatiale ? Est en question, in fine, l’attractivité des villes, tributaire à la fois de l’évolution des hiérarchies urbaines et de la réorganisation sociale et politique de l’espace urbain.

1.2.2. Territoires urbains : gestion de l’espace et pratiques du logement. La structuration des territoires urbains, qui touche à plusieurs thèmes susceptibles de donner lieu à des travaux collectifs (la gestion des ressources, l’aménagement de l’espace, la police, et plus largement les rapports entre ville et campagne). attention la question du logement, qui constitue l’un des enjeux des politiques urbaines durables en termes d’environnement et de justice sociale. Un programme trans-période et pluridisciplinaire est voué à s’inscrire dans les actions de la MSH Centre Val-de-Loire aussi bien qu’à engager des coopérations internationales, qui permettra tout d’abord d’approfondir l’étude des liens entre catégories sociales et stratégies d’habitation. De plus, en partant d’une histoire sociale du logement, le programme vise à souligner son importante dimension politique, à partir des conflits entre locataires et propriétaires ou des litiges entre résidants. Les liens entre révolutions et territoires urbains constitueront un point d’entrée pour différentes journées d’étude (tournant spatial lié aux études révolutionnaires, formes locales d’organisation, du quartier à l’immeuble, revendications liées au logement), dans un cadre spatio-temporel d’abord défini comme allant des révolutions du XVIIIe siècle jusqu’aux décolonisations du XXe siècle, mais qui sera élargi aux époques antérieures. Enfin, ce programme s’inscrit dans une approche d’histoire urbaine par le bas. Il poursuit en ce sens les travaux déjà menés au CeTHiS sur le voisinage, les interstices et les communs. Il entend ouvrir un espace de discussion sur les renouvellements des objets et méthodes d’études urbaines attentives aux sociabilités populaires, ainsi qu’à différentes formes de ségrégations et solidarités locales.

1.2.3. Pluralité urbaine, pluralité langagière. Le troisième enjeu que soulève l’inscription sociale des groupes urbains est d’ordre social et culturel. C’est dans une perspective de transferts culturels et d’approches connectées que nous souhaitons développer la question du contact culturel dans sa dimension langagière. L’attention portera sur le langage désormais compris comme verbal et figuratif, ce qui permettra de réfléchir à la fois sur les identités sociales et stylistiques urbaines.
Dans un premier temps sera envisagé le plurilinguisme urbain, en transposant les outils de la sociolinguistique et des études sur les migrations sur des terrains historiques. On peut faire l’hypothèse que la densité et la diversité des groupes linguistiques en contact en ville font des rapports linguistiques urbains des objets aux caractéristiques spécifiques (cf. la notion « superdiversité » ou celle d’« altérité »). Un double questionnement pourra être développé : quel est l’effet sur la variation linguistique de l’asymétrie entre groupes (différence numérique, rapports de domination politique, économique, de genre, etc.) ? Inversement, on pourra s’interroger sur les manières dont les usages sociaux des langues, leur institutionnalisation et leur degré de formalisation participent à informer les rapports de pouvoir en contexte urbain afin de tenir compte de la stratification sociale, et culturelle, des groupes linguistiques urbains eux-mêmes.

Axe 2 - Pratiques de l’histoire et construction des objets historiques. La fabrique de l’histoire


► piloté par Didier Boisseuil et Richard Faure

L’axe 2 est centré sur la « fabrique de l’histoire », c’est-à-dire les procédés opératoires, mis en œuvre par les chercheurs pour élaborer un discours historique au XXIe siècle. Les enquêtes, parfois transversales, porteront, non seulement sur les approches les plus contemporaines de faire de l’histoire, nourries de contacts pluridisciplinaires variés, mais aussi sur des objets historiques nouveaux, voire des objets plus classiques, revisités selon des perspectives nouvelles.
Trois volets d’études – mais ils ne sont pas exclusifs – rassembleront les enquêtes :
- les modalités d’échanges au sein des sociétés passées en portant une attention particulière sur certains objets, certains acteurs ou certaines transactions ;
- la construction et la représentation des savoirs (notamment historiques) ;
- l’environnement dans les mondes du passé.
Plusieurs de ces démarches se veulent réflexives, épistémologiques.
 
  • Volet 1 : Les échanges dans les sociétés du passé
2.1.1. Échanges économiques et monétaires en Méditerranée antique (à travers le programme ERC RACOM) et les dimensions matérielles, économiques, politiques et anthropologiques de la circulation monétaire en Sicile au IVe siècle av. J.-C. (projet IUF) ; étude des transmissions foncières et patrimoniales en France au XIXe siècle et des rapports financiers et commerciaux de l'Union européenne avec les aires économiques émergentes dans le dernier tiers du XXe siècle - ces recherches s'inscrivent dans l’axe « Monnaie et finance » de la MSH -Val de Loire.

2.1.2. Les échanges linguistiques constituent depuis le présent contrat l’une des thématiques fortes de l’UR. Cette thématique fera l’objet dans l’axe 2 de deux projets : le premier, dans le prolongement du programme du contrat en cours « Porter la parole », sera méthodologique et consacré aux éclairages mutuels qu’histoire et linguistique peuvent apporter sur un même objet – en particulier les contacts et transferts culturels, le genre des pratiques langagières, le plurilinguisme. Le second aspect abordera plutôt les dimensions politiques et institutionnelles des échanges linguistiques : le bilinguisme des élites gréco-romaines dans l’Antiquité, la diversité des langues dans les échanges juridiques d’époque carolingienne, les écritures du pouvoir au XVIIIe siècle.

1.2.3. L’analyse des échanges conduira à une réflexion plus large sur la circulation et les transferts des acteurs comme des savoirs, notamment la circulation des élites dans un cadre transnational aux époques modernes ou le transfert des techniques de constructions des châteaux royaux en Europe.
 
  • Volet 2 : Construction et représentation des savoirs
Le second volet de l’axe 2 a pour objet principal l’étude des constructions intellectuelles et sociales en histoire, déclinée en trois thématiques : les processus de réception et de réappropriation du passé ; la construction des savoirs et l’éducation ; les constructions des catégories et des identités genrées.

2.2.1. Réception du passé abordée sous un double prisme : la représentation des origines grecques au Moyen Âge et l’histoire de la documentation de l’art étrusque aux époques modernes et contemporaines.

2.2.2. Étude de la construction et diffusion des savoirs avec une dimension méthodologique de réflexion sur la construction des périodes en histoire (en particulier les périodes antique et médiévale), qui portera dans le même temps sur des objets spécifiques, tels la transmission des normes et des savoirs de la guerre de siège à travers les récits qu’en ont laissés les sociétés humaines de l’Antiquité à l’époque contemporaine (poursuite du programme actuel « Récit de guerre »), les savoirs et pratiques entourant la gestion concrète des morts au XIXe siècle, l’histoire de l’enseignement de l’art antique et de l’archéologie à l’époque contemporaine, l’éducation permanente et l’éducation populaire au XXe siècle.

2.2.3. Construction des catégories et des identités de genre ; décliné avec plusieurs programmes respectivement dévolus à la réception des modèles féminins antiques dans l’art du XIXe siècle, à la féminisation des professions culturelles, à l’analyse genrée des pratiques linguistiques et à la construction du genre dans la confrontation aux instances judiciaires.
 
  • Volet 3 : L’environnement
Le troisième volet vise à mieux comprendre les relations parfois complexes qu’entretenaient les sociétés passées avec leur environnement dans une triple perspective : d’une part, en accordant une attention particulière aux enjeux économiques, techniques, environnementaux de l’exploitation des ressources et de la réalisation de matières premières ; une attention toute particulière sera portée à l’industrie papetière ; d’autre part, en étudiant des environnements particuliers, comme celui du cimetière, qui a fait l’objet de profonds remaniements notamment au XIXe siècle, ou comme celui des fleuves ; enfin, en analysant les interrogations des sociétés contemporaines, à partir des années 1970, sur le développement durable et réfléchissant à l’éducation à l’environnement en France dans la même période.
Les programmes du volet 3 pourront être articulés à l’axe de recherche « Environnement » de la MSH – Val de Loire.

Axe 3 : Sources et corpus, outils et données


► piloté par Magali Coumert et Paul Lecat

Cet axe transversal fait dialoguer les travaux individuels et collectifs des membres du CeTHiS autour des questions de méthode qui se posent en lien avec la collecte, l’exploitation, l’interprétation et la diffusion des sources.
 
  • Volet 1 : de la base de données à la visualisation des données
Réflexion sur l’articulation entre la source et la donnée, sur la structuration des bases de données et leurs outils d’exploitation : interopérabilité (à travers le recours à des vocabulaires contrôlés), et instruments de visualisation des données, qu’il s’agisse de graphes (à travers l’analyse de réseaux) ou de cartes - dans cette perspective, la visualisation n’est pas envisagée comme un produit final de la recherche mais comme un véritable outil heuristique, permettant de mettre en évidence des phénomènes qui n’auraient pas été perçus autrement base de données, SIG, reconstitution 3D).
 
  • Volet 2 : typologie, structure et matérialité des sources
Réflexion méthodologique commune, prenant en compte la manière dont les sources ont été produites et structurées, leur support matériel, les usages qui en ont été faits à l’époque de leur production et ceux que peut en faire les historien.ne.s.
L’un des objectifs de l’axe 3 est de nourrir une réflexion commune sur la forme et la matérialité des sources, qu’elles soient textuelles, iconographiques, voire sonores ou audiovisuelles. Les travaux sur les manuscrits médiévaux peuvent croiser avec profit ceux portant sur les inscriptions antiques et les objets figurés, qui tous soulèvent la question des interactions entre l’écriture ou l’image et son support matériel. Les problèmes méthodologiques posés par l’exploitation des archives orales et des sources sonores ou filmiques entrent également en résonance avec ces problématiques.
 
  • Volet 3 : traduction et traitement automatisé des textes
Les travaux des axes 1 et 2 sur les langues et les contacts culturels d’une part, sur les rapports entre histoire et linguistique d’autre part, soulèvent d’importantes questions de méthode, qui peuvent également nourrir l’axe 3. Les outils informatiques permettent désormais la reconnaissance automatisée de certaines écritures (océrisation), ce qui facilite les traitements automatisés du langage (lexicométrie). Comment de tels outils sont-ils utilisés par les historien.ne.s, avec quels objectifs, quelles limitations, quelles problématiques ? Par ailleurs, les progrès de l’intelligence artificielle ont rendu possible la traduction automatique de textes de plus en plus complexes. Néanmoins, la traduction de sources historiques suppose une part d’interprétation, encore largement inaccessible à la machine. Les entreprises de traduction de corpus dans lesquelles sont engagés certains membres du CeTHiS, tout comme la réflexion menée sur le multilinguisme et les situations de contact linguistique, seront l’occasion de réfléchir à ces questions.